Le petit mot d’Elino … #18
KARIM SAMB : RETOUR DE L’ENFER !
Samedi 1er avril à Kany, match HBCL- BRUGES en N2. Le speaker de la salle présente les équipes mais aussi Karim qui, s’il semble connu des joueurs des deux formations -il possède des amis dans les deux camps- ne l’est pas trop apparemment par la majorité du public.
Deux heures avant, avec les S2 garçons du HBCL il venait d’inscrire trois buts. Les premiers depuis trois longues années. Cette réussite semblait le combler et j’ai voulu savoir pourquoi.
Karim, raconte nous d’abord ton cursus handballistique.
Je débute le handball à Lormont à 6 ans. Quelques années plus tard je me présente au pôle de Talence mais je ne suis pas pris. Le responsable m’oriente alors vers la Section Sportive de Max Linder à Libourne.
J’y reste une année puis je retourne à Lormont mais je garde un contact très étroit avec les libournais.
En 2019 je reviens donc à Libourne. Hélas c’est le début du cauchemar pour moi. Une année et demie de perdue suite à la pandémie du COVID puis à la découverte de ma maladie. Pire qu’un cauchemar, une vraie descente aux enfers !
Comment a-t-on découvert cette maladie et quelle a été son évolution ?
En août 2021, à 24 ans, pris de douleurs au niveau de l’estomac me faisant penser à une gastro, je contacte SOS Médecins. Ils me confirment que c’est bien une gastro. Pas de quoi paniquer.
Malheureusement les douleurs persistant je les recontacte. Cette fois ils se déplacent et me font effectuer un bilan sanguin. Une heure après c’est eux qui me recontactent pour m’expliquer qu’en fait ils ne savent pas ce que j’ai et c’est là que tout a basculé.
Je suis allé aux urgences le 19 août. Le lendemain matin je suis transféré à l’hôpital Saint André où les analyses continuent. Finalement, le 26 août on me confirme que j’ai un cancer des ganglions lymphatiques, une maladie rare ne touchant que 2% de la population.
Le coup de massue !
On me met sous anti-inflammatoires et antidouleur. On me shoote littéralement.
Fin août début septembre des complications apparaissent, on me transfère en réanimation et on me plonge dans un coma artificiel. Les médecins annoncent à ma famille que je suis au stade 4 de la maladie et que les chances de m’en sortir sont très réduites.
Je vais rester 25 jours dans le coma, je perds 30 Kilos passant de 80 à 49 ! Mais je ne suis pas au bout de mes peines. Pendant ce coma je me suis arraché le tuyau d’intubation et je me suis abîmé les cordes vocales. Résultat, à mon réveil, je ne peux plus parler ni déglutir. On me nourrit donc toujours par perfusion. J’ai recommencé à manger normalement le 11 novembre à ma sortie de l’hôpital.
Entre temps je découvre que je n’arrive plus à marcher, il m’a fallu repartir de zéro et cela m’a fait bizarre. Mais au moins je me voyais progresser et me diriger vers des jours meilleurs. Enfin je pouvais commencer à regarder vers l’avant.
Pendant cette longue période par quels sentiments es-tu passé ?
D’abord, quand on m’annonce mon cancer, je n’y crois pas mais je suis directement shooté et je ne me souviens que de mon réveil.
Quand je me réveille du coma, je suis pris de panique. Je ne sais pas où je me trouve et je ne peux pas parler. Pendant quelque temps aucun son ne sort de ma bouche. Impossible de communiquer, de me renseigner sur ce que je fais là. J’ai l’impression d’être prisonnier de mon corps.
Au psychologue qui me suit me demandant si je suis croyant et si j’ai besoin de quelque chose, je lui fais comprendre , en pointant un doigt vers le ciel, que j’ai juste besoin de Dieu.
En réanimation, je n’arrivais pas à me rendre compte de ce que je faisais là et je me demandais si je serais toujours là le lendemain. Du coup, par peur de mourir en dormant, je restais tout le temps éveillé.
Puis, petit à petit, j’ai commencé à reprendre espoir.
Enfin, je sors de réa et je repars en médecine générale où je vais rester un mois de plus. Là, j’ai eu la surprise -l’immense plaisir- de revoir toutes les infirmières présentes quand je suis rentré. J’ai bien compris que peu d’entre elles s’attendaient à me revoir un jour….
Ton retour au handball ?
D’abord il a fallu que je réapprenne à marcher. Je n’ai pas retrouvé toutes mes sensations au niveau des deux pieds (je manque un peu de sensibilité) ni un niveau cardio correct.
Mon premier sentiment à ce moment précis c’est de m’estimer heureux de pouvoir marcher. C’est un plaisir fou pour moi.
Au centre de rééducation mon Kiné me poussait à reprendre l’entraînement. Ce que je fais finalement et là, j’avoue avoir été très bien pris en charge par le club de Libourne et son staff. Eric Chaillou en particulier s’est très bien occupé de moi.
Mes sentiments à ce moment là c’est qu’il faut que j’avance. J’ai une grande volonté et j’ai été tellement aidé, tellement soutenu que je ne peux pas me permettre de laisser tomber. Je ne suis pas du tout comme cela.
De plus, entre la reprise de l’entraînement et celle des matchs j’ai été victime de quelques pépins physiques ce qui semble normal après tout ce que mon corps a subi.
Enfin, en ce samedi 1er avril retour sur une feuille de match des seniors 2. Je n’ai aucune appréhension, je me dis que vu d’où je reviens je peux m’estimer heureux d’être là, handballistiquement bien sûr mais aussi dans la vie de tous les jours.
Un bonheur incroyable pour moi, je n’ai pas les mots pour décrire ce que j’ai ressenti en rentrant sur ce terrain. Après mon premier but, pendant mon repli défensif et pendant quelques secondes, je revois tout ce qui s’est passé avant …ici aussi quel bonheur !
Merci à tout le staff libournais. Merci au public.
Après cette terrible épreuve tes sentiments et ton approche de la vie ont évolué. Essaie de nous raconter tout cela.
D’abord je dois dire que je n’ai pas de mots concernant celle qui allait devenir mon épouse et qui s’occupait de moi tous les jours. Réveillée même quelquefois en pleine nuit par l’hôpital lui annonçant qu’il fallait y passer d’urgence. Une épreuve terrible pour elle aussi.
L’avenir ? On fait surtout au jour le jour. Tout peut basculer à tout moment comme en ce mois d’août 2021.
J’étais manager commercial, je débutais la saison à Libourne…tout se passait bien et finalement il faut tout recommencer à zéro.
Enfin je constate qu’après une épreuve comme celle là il est très difficile de se faire comprendre par les autres : famille, relations de travail…Ces personnes sont frustrées car elles voudraient bien m’aider mais, malheureusement, elles ne le peuvent pas. Elles ne peuvent pas comprendre. Elles ne sont pas passées par l’enfer que j’ai vécu !
Enfer qui est ancré dans ma tête et qui, j’en suis persuadé, n’en sortira jamais…
Interview réalisée par Elino De Nardi