Souvenirs, souvenirs … #12

PETITES HISTOIRES DE REMPLACANTS …

Saison 1996/1997. La jeune équipe des seniors garçons du HBCL qui vient de franchir allègrement, en 5 ans, 5 des 6 étapes l’amenant de la promotion départementale à la N3 -son but affiché depuis ses débuts- se prend les pieds dans le tapis et échoue de justesse sur la dernière marche. Le rêve est toujours à portée de mains mais il faudra patienter une année de plus.
Pour franchir cette dernière étape le club prend alors la décision de faire venir un nouvel entraîneur. Une pointure. Un homme à poigne, avec un niveau d’exigence maximum et des méthodes un peu particulières : Philippe Abribat. Ce dernier fera effectivement monter aussitôt les libournais en N3 après une saison extraordinaire -22 matchs, 22 victoires !- puis restera quelques années de plus avant de repartir aux Girondins.
Son passage a marqué quelques uns des jeunes libournais pris dans le groupe pour aider. Les remplaçants quoi …
Deux d’entre eux nous font vivre quelques unes des scènes vécues sur ce banc des remplaçants.
Aujourd’hui Marc Tourdot, l’homme qui par la suite fera tant pour le handball féminin à Libourne.

Marc Tourdot.

LE JOUR OU ….

1999.Je viens de terminer la séance du mercredi soir avec les 18 filles. Suit celle des seniors garçons sous la baguette de Philippe Abribat. Il lui manque un joueur, un ailier. Moi, joueur du groupe 2 j’avais plutôt l’habitude de jouer demi centre, mais au vu de mon corps composé uniquement d’os de pie, je ne le contredis en rien et commence à me mettre en short. François Lallet se demande encore comment un corps peut tenir en équilibre sur deux bâtons de sucette.
L’entraînement se passe et mon rôle de passeur me convient très bien. Je suis reconvoqué pour le suivant du vendredi. Cette fois, une séquence de tirs aux postes est organisée. J’investis donc mon aile gauche. Je marque..je marque…je marque. Philippe Abribat observe de mon côté, je marque encore deux fois. Il interrompt la séance d’un beuglement à en faire bouger les rideaux de Kany. Il commence par s’excuser à mon égard : « ne le prends pas pour toi » et se tourne vers son gardien. Il le met plus bas que terre et lui fait comprendre que s’il est incapable de stopper ces tirs, en me pointant du doigt, il n’a rien à faire dans cette équipe.

Je ne sais pas si vous vous souvenez de la carrure de Philippe Merleau mais j’ai dû mettre 10 min à oser le regarder à nouveau. Il ne m’en a jamais voulu et le fait que mes statistiques au tir soient aussi exceptionnelles ce soir-là est encore un mystère pour tout le monde handballistique !
Annonce du groupe pour le match du lendemain, j’y figure.
Tremblement. Est-ce vrai la légende du vestiaire plongé dans le noir où tous les coups sont permis avant de rentrer sur le terrain à la sauce Abribat ? Sueurs froides. Samedi soir, les tribunes de Kany sont pleines comme d’habitude. Je me souviens que pendant tout l’échauffement Marc Benharoun avait pris le temps de m’expliquer tous les enclenchements utilisés. Quelle bienveillance ! Ma place est chaude sur le banc en première mi-temps.
Puis Philippe se rapproche de moi et me dis : « en bas 2eme poteau ». Je fais un signe de la tête, ne comprenant pas que ma rentrée était alors imminente et qu’il fallait que j’enlève mon sweat. L’ailier gauche sort, pas prêt je ne rentre pas, Philippe devient tout rouge, repousse le joueur sortant pour qu’il continue. La seconde fois j’étais bien prêt.
Changement impeccable !Ma meilleure action. !
Mon rôle de passeur marche à merveille. Soudain, une situation de tir pour moi, franchement le décalage est net et j’ai l’angle pour y aller. Extension, fixation, déclenchement, le premier poteau reçoit le ballon en pleine poire ! Du haut des tribunes, la voix de Jean Pierre Brachet, qui prenait des notes en vue du prochain article pour Sud Ouest et le Résistant, se met à ronfler : « pénalty !! ». Et c’est vrai, les arbitres montrent le point des 7 m. Je suis rappelé sur le banc et ne peux que me recroqueviller face à cette tempête déclenchée à 10 cm de mon nez : « qu’est-ce que je t’avais dit ? Qu’est-ce que je t’avais dit ?? ».
Je ne rentrerai plus sur le terrain. A ce moment- là je me rends compte que je suis perdu. Aucun repère, je n’ai tout simplement pas ma place ici, pas le niveau.
Je pense que c’est ce jour précis où j’ai décidé de me consacrer au poste d’entraîneur, sans jamais connaître le haut niveau en tant que joueur. On va faire sans.
Je chercherai ma crédibilité dans la connaissance du jeu et la connaissance des individus.